PIÈGE POUR CENDRILLON
Roman de Sébastien Japrisot (1963)
Grand Prix de Littérature policière
Livres de Sébastien Japrisot déjà lus : aucun
Quatrième de couverture :
Mon nom est Michèle Isola
J'ai vingt ans
L'histoire que je raconte est l'histoire d'un meurtre
Je suis l'enquêteur
Je suis le témoin
Je suis la victime
Je suis l'assassin
Je suis les quatre ensemble, mais qui suis-je?
Mon avis :
De Sébastien Japrisot, je ne connaissais que les adaptations ciné de ses romans, de L'Eté meurtrier à Un long dimanche de fiançailles, et ses héroïnes torturées et exigentes au caractère insupportable. C'est donc avec Piège pour Cendrillon que je découvre l'écrivain. Un écrivain qui a décidé de jouer avec les codes du polar, de les mélanger et de les servir à sa sauce. En lisant la quatrième de couverture, vous verrez de quoi je parle. Japrisot a réussi à réunir les quatre archétypes du roman policier pour les confondre en une seule et même personne et créer l'héroïne d'un roman haletant et complètement fou, que vous aurez bien du mal à lâcher. Mais comment a-t-il fait, me demanderez-vous? (si si, vous me le demanderez, sinon, ça fout toute ma critique en l'air!) Michèle se réveille un matin dans un hôpital. Elle a été victime d'un incendie, est accuse de sérieuses brûlures au visage et aux mains. Michèle a perdu la mémoire après l'accident, et ne se souvient de rien. Elle va donc devoir reconstruire son identité grâce aux dires du médecin et de son entourage. Son entourage, en l'occurence, n'est composé que de Jeanne Murneau, une grande Italienne qui joue le rôle d'ancienne nourrice. Michèle est obligée de croire ce que lui dit Jeanne. Pourtant, elle sent que quelque chose cloche. La situation de départ soulève déjà une angoissante réflexion sur l'identité. Qu'est-ce qui fait que Michèle est Michèle? Elle ne peut se fier à son visage, ni à ses empreintes digitales, puisqu'ils n'existent plus. Se construit-on seulement par rapport à l'image que les gens disent de nous, où a-t-on une personnalité établie qu'on peut retrouver en toute circonstance, comme une empreinte génétique?
Au fur et à mesure que Michèle poursuit sa quête d'identité, elle découvre que l'incendie dans lequel elle a été impliquée n'était pas un accident, qu'il a fait une victime, une jeune femme, comme elle, et que Jeanne n'est pas vraiment toute blanche dans cette affaire. Chaque élément de l'enquête que découvre l'inspectrice Michèle a des répercussions sur la victime Michèle, et ajoute une touche de vérité sur le rôle qu'a pu jouer la coupable Michèle. Cette enquête, bien sûr amène le témoin Michèle à se souvenir peu à peu de ce qui s'est passé. Mais la mémoire se mêlant aux affirmations de la nourrice, Michèle voit l'événement se dérouler successivement à travers ses yeux et ceux de Do, l'autre victime. Car Michèle, au fond, n'est-elle pas Do?
Japrisot, de son écriture précise et enchanteresse, créer une enquête de l'intérieur (dans la tête de Michèle), où tous les protagonistes se confondent, pour faire éclater la vérité à l'extérieur. Ou quand le polar nous plonge dans des mises en abyme à l'infini, pour mieux perdre un lecteur et démêler une intrigue à la fois.
Premières lignes :
Il était une fois, il y a bien longtemps, trois petites filles, la première Mi, la seconde Do, la troisième La. Elles avaient une marraine qui sentait bon, qui ne les grondait jamais lorsqu'elles n'étaient pas sages, et qu'on nommait marraine Midola.
Un jour, elles sont dans la cour. Marraine embrasse Mi, n'embrasse pas Do, n'embrasse pas La.
Un jour, elles jouent aux mariages. Marraine choisit Mi, ne choisit jamais Do, ne choisit jamais La.
Un jour, elles sont tristes. Marraine qui s'en va, pleure avec Mi, ne dit rien à Do, ne dit rien à La.
Des trois petites filles, Mi est la plus jolie, Do la plus intelligente, La est bientôt morte.
Ce film a été adapté au cinéma par André Cayatte en 1965, avec dans les rôles principaux Dany Carrel, Madeleine Robinson et Hubert Noël.