L'HOMME AUX CERCLES BLEUS
Roman de Fred Vargas (1991)
Livres de Fred Vargas déjà lus : Ceux qui vont mourir te saluent (1994), Debout les morts (1995), Un peu plus loin sur la droite (1996), L'Homme à l'envers (1999), Pars vite et reviens tard (2001)
Quatrième de couverture :
"Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors?"
Depuis quatre mois, cette phrase accompagne des cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris. Au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu : trombone, bougie, pince à épiler, patte de pigeon...
Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent : un maniaque, un joueur.
Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas. Ces cercles et leur contenu hétéroclite sont de mauvais augure. Il le sait, il le sent : bientôt, de l'anodin saugrenu on passera au tragique.
Mon avis :
Fred Vargas est un auteur très sympathique. J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans les pages de ce blog. Il semblerait pourtant que lire l'ensemble de son oeuvre amène le lecteur à perdre la magie qui entoure la découverte de son univers. En somme, trop de Vargas tue la Vargas! Si je louais avant la cohérence de son monde, faisant croiser ses personnages d'un roman à l'autre et mettant en avant les traits communs attachants qui relient chacun de ses livres, ils apparaissent, au fur et à mesure que je remonte sa bibliographie, comme des gimmicks qui donnent l'impression de lire peu ou prou la même chose. Et si, au fond, Fred Vargas écrivait toujours le même roman?
C'est effectivement la question qui m'est venue à l'esprit en tournant les pages de L'Homme aux cercles bleus, le roman le plus ancien de l'auteure que j'ai lu à ce jour. Toute la structure qui fera de ses romans suivants des best-sellers attirant des milliers de fans est déjà posée. Le commissaire Adamsberg s'intéresse à une affaire de moeurs anodine en sentant le danger arriver, et est amené à rencontrer une galerie de personnages cocasses, dont trois qui habitent un immeuble dont les étages sont classés selon un certain ordre. Mis à part L'Homme à l'envers, ce résumé colle parfaitement à tous les autres romans de Vargas que j'ai lus. Est-ce un défaut pour autant? Oui et non. Il est vrai que c'est une caractéristique que l'on a maintes fois reprochée à Alfred Hitchcock au cinéma, par exemple, et pourtant cela ne fait pas de sa filmographie une oeuvre mineure. Cependant, Hitchcock profitait de ce schéma classique pour aborder d'autres thèmes, ou le traiter différemment à chaque fois. Il semblerait que Fred Vargas n'ait pas été aussi inspirée que le cinéaste britannique, ou qu'elle n'ait pas son talent. Comme je le disais au début de cet article, l'univers de Vargas apparaît très cohérent d'un roman à l'autre. Mais cette cohérence cache surtout une répétitivité qui saute aux yeux lorsqu'on lit ses polars à des intervalles relativement courts. L'écrivain n'utilise pas une formule pour aborder des thématiques sous un angle personnel, elle décline seulement un schéma dont elle change les motifs. Remplacez les cercles bleus par des quatre noirs à l'envers, et vous obtiendrez Pars vite et reviens tard. Substituez les locataires de Mathilde Forestier aux Evangélistes, et le résultat donnera Debout les morts.
Lorsqu'on lit Agatha Christie, on peut avoir le même problème. Seulement Dame Agatha nous éblouit toujours par son imagination en ce qui concerne les méthodes meurtrières et les rebondissements spectaculaires. Fred Vargas ayant choisi de baser ses romans sur ses personnages et non sur l'intrigue, il ne nous reste plus grand-chose à se mettre sous la dent passé les trente premières pages.
Ils en parlent aussi : Clarabel Lou Nicolas Praline
Premières lignes :
Mathilde sortit son agenda et nota : "Le type qui est assis à ma gauche se fout de ma gueule."
Elle but une gorgée de bière et jeta un nouveau coup d'oeil à son voisin, un type immense qui pianotait sur la table depuis dix minutes.
Elle ajouta sur son agenda : "Il s'est assis trop près de moi, comme si l'on se connaissait alors que je ne l'ai jamais vu. Certaine que je ne l'ai jamais vu. On ne peut pas raconter grand-chose d'autre sur ce type qui a des lunettes noires. Je suis à la terrasse du Café Saint-Jacques et j'ai commandé un demi-pression. Je le bois. Je me concentre bien sur cette bière. Je ne vois rien de mieux à faire."