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La tête dans les pages
1 septembre 2008

LA FAUSSE VEUVE

La_Fausse_VeuveRoman de Florence Ben Sadoun (2008)
Livres de Florence Ben Sadoun déjà lus : aucun

Quatrième de couverture :
"Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous...". Ainsi commence La Fausse Veuve. Tutoyant et vouvoyant dans la même phrase son amant disparu, l'héroïne lui raconte, et nous raconte, dix ans après, l'histoire qui leur a été volée. Ce que furent leur amour, leurs moments de bonheur, et aussi le désespoir, leurs muets tête-à-tête à l'hôpital quand, victime d'un grave accident cérébral, il s'écroule, et se réveille paralysé et privé de parole. Face au drame du "locked-in syndrome", face à la destinée légendaire d'un personnage que les médias se sont approprié, une femme n'oublie pas qu'il était un homme. Comment se parler d'un souffle? Comment s'aimer sans se toucher? Comment lire les battements d'un coeur au rythme d'un battement de paupières? C'est ce chemin escarpé, compliqué, et parfois très éloigné du deuil, qu'on suit dans ce roman en s'arrêtant sur les cases de l'enfance, en reculant sur celles de l'amour et de la religion, et en sautant à pieds joints sur celle de la mort comme au jeu de la marelle.

Mon avis :
Plus que déçu par mon aventure de Masse Critique de Babelio et la désastreuse lecture de Chroniques d'une croqueuse de Catherine Townsend, je voulais quand même retenter l'expérience de la critique imposée contre un livre offert. Cette fois-ci, c'est chez-les-filles.com qui m'a sollicité pour découvrir La Fausse Veuve de Florence Ben Sadoun. C'était sans savoir que ce site avait contacté les 3/4 de la blogosphère littéraire! Pour une campagne de pub, en voilà une menée tambour battant! Beaucoup ont décidé d'accepter ce livre à cause du sujet sensible qu'il traitait. Personnellement, je n'ai même pas lu le résumé qu'on m'en proposait, je me suis juste laissé tenter car Ben Sadoun est rédactrice en chef de Première, magazine que j'ai lu pendant de nombreuses années. Ca m'apprendra!
En effet, si j'avais jeté un oeil sur la quatrième de couverture, j'aurais senti le faux roman/vrai déballage perso à plein nez, soit tout ce que je déteste dans la tendance de la littérature française actuelle. Et paf, on tombe en plein dedans! Ce livre n'est pas d'une grande utilité publique. Il s'agit simplement d'un règlement de comptes entre l'auteure et les médias qui l'ont évincée de l'exposition de Jean-Dominique Baudry au public, à la parution de son livre autobiographique Le Scaphandre et le papillon, dont l'adaptation cinématographique de Julian Schnabel, saluée au Festival de Cannes cette année, a relancé la popularité. Loin de moi la prétention de remettre en cause son rôle dansFlorence_Ben_Sadoun les derniers jours pénibles de son amant, ni la force de leur relation. Mais l'étaler ainsi en profitant du battage médiatique revenu, et sous couvert de littérature alors qu'il n'est jamais question de romancisation du propos, c'est un peu fort de café! On peut bien comprendre que l'auteure ait des choses à partager avec un public qui n'a pas connu son existence dans un drame qui a bouleversé les masses. Ceci dit, ce livre n'est pas moins un échange qu'une prise d'otage pour rallier son lectorat à sa cause. Dans un style sur-travaillé et dénué d'émotions, Florence Ben Sadoun essaie de nous relater une histoire d'amour alors que seul le "je" semble exister. Son utilisation de "tu/vous" pour s'adresser à son amant défunt et d'une coquetterie superficielle, mais surtout pénible à la lecture. Comme pour s'attacher le plus d'adeptes possible, l'auteure n'hésite pas à faire référence à plusieurs films populaires pour ériger son histoire au rang des grandes romances du grand écran, alors que son amour singulier et exceptionnel aurait demandé une sobriété d'écriture que les faits ne pouvaient apporter.
Comme j'ai pu le lire sur d'autres blogs fort justement, la présence même de ce livre dans les rayons amène une polémique pour le moins gênante pour son auteure. Comment cracher sur les médias quand on utilise ces mêmes médias pour faire parler de soi? La démarche, si nourrie de colère et d'amertume que l'on peut comprendre, n'en demeure toutefois pas moins maladroite et déplacée. Car dans ce plaidoyer pour inscrire son histoire d'amour avec Jean-Dominique Baudry dans les annales, Ben Sadoun ne parle jamais que d'elle, donnant l'impression d'une récupération de la douleur de sa moitié touchée par le locked-in syndrome. La narratrice nous apparaît bien comme une fausse veuve, car elle nous raconte un faux deuil, celui de sa dignité et non celui de son amour.

Elles en parlent aussi : Amanda BlueGrey Cécile Karine Lily Praline Sandrounette

Premières lignes :
Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous. Si je compte en années depuis le jour de ta naissance, tu aurais 54 ans. Mon âge inversé alors que vous n'avez jamais eu 45 ans. Même si vous avez toujours eu l'air de les avoir, même à 35 ans, peut-être même à 25! Vous m'avez toujours donné l'impression d'avoir connu la guerre, traversé la Résistance et surtout vécu l'après-guerre, celle en noir et blanc, où vous auriez pu croiser, avec votre allure degingandée, Miles au bras de Juliette dans les rues de Saint-Germain-des-Prés. D'ailleurs, c'est vrai que vous avez connu une guerre, la vôtre. Un combat entre vous et vous. Vrai que vous vous êtes retrouvé enfermé dans les tranchées et que vous avez essayé de toutes vos forces de résister. Mais vous avez définitivement été arrêté dans votre lutte. Tu as perdu contre un ennemi implacable et pernicieux. Votre propre corps.

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Commentaires
G
Oui, j'ai une tendance à ne pas savoir tenir ma langue. Et quand ça part tout seul, ça donne ça!...<br /> Je peux comprendre la part de colère qui la ronge, mais je n'admets qu'elle essaie de rallier le lecteur à ses côtés, alors qu'elle a une position qu'on ne peut pas comprendre dans son ensemble. J'aurais préféré un récit plus objectif et moins amer. Je trouve que le tout manquait surtout cruellement d'amour.
S
et bien on peut dire que n'y va pas par quatre chemins ! j'ai pour ma part apprécié l'écriture, que j'ai trouvée courageuse et sans fards, contrairement à toi. je trouve qu'elle y va franchement sans laisser de côté la colère, la rage et la rancoeur, qui font partit intégrante de sa douleur.<br /> Par contre, je partage avec toi les questionnements sur ce récit de vie déguisé en roman sous couvert d'auto-fiction... Et je trouve aussi tout à fait paradoxal qu'elle ait choisi de le publier, après ce qu'elle dit sur la douleur que peut procurer une surexposition médiatique et les commentaires qu'elle peut généré.
G
;-) Une femme comme je les aime!
K
J'essairais quand même de négocier avec lui...<br /> Et qu'il tue toute ma famille ou qu'il réussisse à me faire lire ce livre, il y aura vengeance! ;-)
G
Merci d'avoir résisté à cette débauche publicitaire qui utilise nos faiblesses de lecteurs pour mieux répandre le mal. Tu es un exemple à suivre!
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