MÉTAPHYSIQUE DES TUBES
Roman d'Amélie Nothomb (2000)
Livres d'Amélie Nothomb déjà lus : aucun
Quatrième de couverture :
Parce qu’elle ne bouge pas et ne pleure pas, se bornant à quelques
fonctions essentielles – déglutition, digestion, excrétion –, ses
parents l’ont surnommée la Plante. L’intéressée se considère plutôt, à
ce stade, comme un tube. Mais ce tube, c’est Dieu.
Le lecteur comprendra vite pourquoi, et apprendra aussi que la vie de Dieu n’est pas éternelle, même au pays du Soleil levant...
Mon avis :
Ne vous fiez pas aux apparences, je ne suis pas en train d'entamer un cycle de littérature belge. Ce billet sur Amélie Nothomb suivant celui sur Benoît Peeters n'est que le fruit du hasard.
Donc Amélie Nothomb : s'il y a bien un écrivain sur lequel j'avais des a priori, c'était bien elle. Personnage médiatique haut en couleur, la seule réflexion qui me venait à l'esprit quand je la voyais apparaître sur le petit écran était : "Mais elle est complètement barge!". Incapable de vous dire si elle était intéressante ou intelligente, tellement son look, ses chapeaux, sa voix, sa gestuelle, ses goûts me laissaient... dubitatif! MAIS, je n'aime pas rester sur un a priori. C'est donc avec plaisir (enfin, un peu plus de curiosité que de plaisir, je dois l'admettre) que j'ai accepté qu'une amie me prête Métaphysique des tubes. Pourtant, j'ai un roman d'Amélie Nothomb qui m'attend sur mes étagères depuis un bon bout de temps (Mercure), mais je savais que la perspective d'avoir à rendre ce livre assez vite me mettrait un coup de pied au cul pour le lire le plus tôt possible.
Comme je vous le disais, pour moi Amélie Nothomb était d'abord une folle, aux névroses égocentrées particulièrement développées. Or, en attaquant ce roman, dès le premier chapitre, je lis que l'auteure parle d'elle en se comparant à Dieu... rien que ça! C'était pas gagné. Or, comme je le disais en débutant ce billet : "Ne vous fiez pas aux apparences!". Si les premières lignes peuvent paraîtres incongrues, les métaphores trouvent leur cohérence et leur valeur dans l'ensemble du roman. Amélie nous parle de ses trois premières années au Japon, où son père était consul pour la Belgique. Et sa comparaison de l'enfant à Dieu est vraiment pertinente. Premièrement parce que Nothomb est née à une époque où l'on commençait à reconsidérer le rôle de l'enfant, qui est devenu le centre de la famille à la place du couple de parents. L'écrivain démontre avec subtilité comment un enfant prend le pouvoir face à des adultes qui sont en adoration devant elle, situation d'autant plus amère quand on sait les erreurs et les dérives que les nouvelles éducations ont engendrées (notamment son comportement à la limite de la tyrannie envers sa gouvernante Nishio-san). Mais également parce que l'enfant est réellement considéré comme un petit Dieu avant ses quatre ans dans la tradition japonaise. D'ailleurs Métaphysique des tubes regorge de petites anecdotes sur les us et coutumes de nos amis nippons qui sont passionnantes, comme la symbolique de la carpe ou la fête réservée aux petits garçons. L'écriture de Mademoiselle Nothomb est vive, intelligente, ironique et poétique à la fois. À travers les yeux d'un enfant, c'est le bouleversement de la vie du Japon d'après-guerre qui nous est décrite, notamment dans les rapports entre Nishio-san et Kashima-san. On peut ressentir l'ombre de Marcel Proust planer sur ce récit d'enfance. En tout cas, il aura fallu beaucoup moins de pages à Amélie Nothomb pour raconter sa genèse.
Premières lignes :
Au commencement il n'y avait rien. Et ce rien n'était ni vide ni vague : il n'appelait rien d'autre que lui-même. Et Dieu vit que cela était bon. Pour rien au monde il n'eût créé quoi que ce fût. Le rien faisait mieux que lui convenir : il le comblait.
Dieu avait les yeux perpétuellement ouverts et fixes. S'ils avaient été fermés, cela n'eût rien changé. Il n'y avait rien à voir et Dieu ne regardait rien. Il était plein et dense comme un oeuf dur, dont il avait aussi la rondeur et l'immobilité.