L'ANCRE DES RÊVES
Roman de Gaëlle Nohant (2007)
Lauréat 2007 de la résidence du premier roman
Livres de Gaëlle Nohant déjà lus : aucun
Quatrième de couverture :
Dans un petit village de la côte bretonne, chaque nuit, les enfants Guérindel, Benoît, Lunaire, Guinoux et le petit Samson, sont en proie à des cauchemars terrifiants qu'ils taisent à leur parents... Enogat, leur mère, a toujours interdit à ses quatre fils d'approcher le bord de l'eau. Est-ce seulement pour les protéger des dangers de la nature? Ou d'une autre menace qui ne dit pas son nom?
Mon avis :
Voici donc le roman de la personne à qui j'ai dédié la création de ce blog, tellement le sien est un modèle dans le genre, une invitation irrésistible à la lecture et à la découverte. Mais que vaut Gaëlle Nohant en tant que romancière?
Attention, la littérature française compte un nouveau romancier de talent. Là où les nouveaux auteurs français se faufilent avec facilité dans l'autofiction nombriliste et irritante, Nohant nous rappelle qu'un romancier doit d'abord savoir raconter des histoires. Et L'Ancre des rêves en comporte plein. Tout d'abord l'histoire de ces quatre frères hantés par la mer et des figures terrifiantes qui lui sont liées. L'auteure nous renvoie à nos peurs d'enfants, lorsque notre imagination nous faisait encore croire au monstre sous le lit ou au Croque-Mitaine. Mais quand ces rêves sont liés à des secrets de famille et s'accrochent à la réalité, alors commence l'aventure d'une quête sur le passé. C'est ce que va entamer Lunaire, le second fils Guérindel, peut-être le plus curieux de la fratrie. Lunaire va rencontrer des personnages hauts en couleurs et attachants, qui sont les clés de ce passé. Commence alors une autre histoire, un autre temps. On se retrouve dans la Bretagne du début du XXe siècle, chez les pêcheurs et leurs familles. Le personnage d'Ardélia, notamment, renvoie à ces grandes héroïnes victoriennes, dont le caractère les prévenait d'une condition pour le moins dégradante. Ardélia, petit bout de femme, est la narratrice et l'héroïne d'une vie qui voit son frère disparaître, ses émotions mises à nue et sa vie bouleversée, symbole de résistance dans une situation qui semble dirigée par la fatalité et le malheur.
Ce roman est aussi un récit d'initiation qui voit trois frères se découvrir grâce à/à cause de leurs cauchemars. Lunaire donc, qui part dans son enquête à la découverte de ses ancêtres, mais aussi Benoît, adolescent qui découvre son rôle de grand frère, et par là le sens des responsabilités. Puis Guinoux, le plus sensible, qui doit faire face à un traumatisme dû à la rencontre du jeune garçon et de l'art. Avec une facilité déconcertante, l'auteure nous livre ces caractères comme s'ils existaient et que nous les connaissions déjà.
Ce roman enfin, décrit précisément l'atmosphère bretonne. Sous le froid et la rudesse des paysages et des caractères, les passions surgissent, mais toujours à l'intérieur. Si Gaëlle Nohant évite (heureusement) l'image d'une Bretagne carte postale et ses clichés, elle retranscrit sincèrement l'esprit bien à part des gens, entre une méfiance ancrée depuis des lustres et une gentillesse sans borne.
En cela la France peut se targuer d'un nouveau talent, et la Bretagne d'un chantre moderne. Merci Gaëlle.
Ils en parlent aussi : Choupynette Clarabel Cuné Fashion Victim Florinette Lhisbei Lilly Lily Livrovore Lou Moustafette Thom Yueyin Zaph
Premières lignes :
Comme tous les soirs Benoît Guérindel avait reculé par mille stratagèmes l'heure de monter se coucher. Qui, à sa place, eût été pressé de retrouver les images violentes qui ébranlaient sa caboche? Mais l'heure redoutée du sommeil venait toujours, comme la mort, que rarement on invite.